Lui c’est moi

Il est des paradoxes qui acquièrent la force des lieux communs. Ainsi chacun sait désormais qu’une biographie est l’art de parler de soi à la troisième personne.  On n’écrit pas longuement sur quelqu’un au hasard : ce n’est jamais qu’une façon de dire «regardez comme je lui ressemble… ».

Philippe Sollers est un poids lourd intellectuel français. Il agace, on a tort : qu’on le veuille ou pas c’est un esprit hors de la norme. On achète beaucoup de ses livres, il arrive même qu’on en lise quelques pages : elles donnent généralement envie de découvrir de nouveaux univers, voilà qui ne peut qu’être salué.

Philippe Sollers a publié trois biographies. Une consacrée à Vivant Denon, une autre à Casanova, une autre encore à Mozart.

Vivant Denon est un pur représentant du 18ième siècle quand bien même il s’est un peu aventuré en 19ième…  C’est un libertin, c’est un esprit qui s’accommode de régimes politiques différents, c’est le futur directeur du Louvre, bref un esthète….  C’est un libertin qui écrit, et fort bien au demeurant : lisez Point de Lendemain… C’est drôle, vif, et quel style ! Libertin, écrivain, esthète… La différence avec Sollers n’est pas flagrante….

Casanova s’est lui aussi réfugié au 18ième siècle, encore une fois le choix se défend. C’est un libertin, un vrai jouisseur, amoureux des plaisirs de l’amour et de tous les autres que la vie réserve…. Il écrit ses Mémoires ? Eh bien c’est pour revivre une dernière fois des joies qu’il n’est plus à même de connaître avec la même intensité.  Il avoue ses vices : pour se moquer des sots, il est prêt à tout, il est des péchés plus graves…  C’est un Vénitien, amoureux fou de sa ville – peut-il en être autrement-, le seul qui parvient à s’évader de la terrible prison des Plombs ? S’évader des « plombs » : on songe aux culs de plomb de Nietzsche, rêve de tout esprit libre… Libertin, amoureux de tous les plaisirs de la vie, passionné de Venise, craignant toute lourdeur ? Sors de ce corps, Philippe !

Mozart ? Encore le 18ième, décidément… Un surdoué en tout, un génie en musique, quelqu’un qui dit la gravité de la vie derrière un masque de légèreté, mais aussi ce Mozart taquin révélé aux néophytes par le film de Forman… On sait l’amour de Sollers pour la musique, son talent au piano a été révélé par Dominique Rollin, lui qui n’a pris aucun cours…. Faut-il vraiment continuer ?

Mozart était précoce en tout. D’ailleurs il meurt dès trente-cinq ans. Sollers, lui, vit toujours. Et c’est tant mieux.

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